🪀 Daniel Arasse La Guillotine Et L Imaginaire De La Terreur

Laguillotine et l'imaginaire de la terreur Daniel Arasse. Edité par Flammarion, France, 1987. Ancien(s) ou d'occasion Etat : Bien Couverture souple. Mettre de côté. Vendeur Llibrenet (Sant Feliu del Raco, BARC, Espagne) Vendeur AbeBooks depuis 29 juin 2012 Evaluation du vendeur. Quantité disponible : 1. Afficher tous les exemplaires de ce livre. Acheter D'occasion Prix: EUR LaGuillotine et l'imaginaire de la Terreur Pourquoi la guillotine est-elle abominable ? Et de quoi au juste a-t-on horreur ? Pour répondre, Daniel Arasse interroge cette peur à sa source, au moment où, à peine née, la machine est plantée au cœur d’une exploitation spectaculaire de ses pouvoirs d’épouvante : la Terreur. Les Lire la suite Histoire Oktober1793Eng Guillotine gijo tin ass Dispositif, fir eng Doudesstrof duerch Käppen vollstrecken.Inhaltsverzeechnes1 Geschicht vun der Guillotine2 Guillotine Lëtzebuerg3 Literatur4 Kuckt och5 Spaweck6 Guillotine. Vu Wikipedia. Op d'Navigatioun wiesselen Op d'Siche wiesselen. Exekutioun vun der Marie-Antoinette op der Guillotine de 16. Oktober 1793. Eng AFlorence, Arasse s'est aussi intéressé à la Révolution française, montant une exposition sur les représentations de la guillotine, dont il fit un beau livre, l'Imaginaire de la Terreur (1988). Pourquoila guillotine est-elle abominable ? Et de quoi au juste a-t-on horreur ? Pour répondre, Daniel Arasse interroge cette peur à sa source, au moment où, à peine née, la machine est plantée au coeur d'une exploitation spectaculaire de ses pouvoirs d'épouvante : la Terreur. Les surprises se multiplient au fur et à mesure de l'enquête LaGuillotine et l'imaginaire de la Terreur Pourquoi la guillotine est-elle abominable ? Et de quoi au juste a-t-on horreur ? Pour répondre, Daniel Arasse interroge cette peur à sa source, au moment où, à peine née, la machine est plantée au cœur d’une exploitation spectaculaire de ses pouvoirs d’épouvante : la Terreur. Les Lire la suite Laguillotine et l'imaginaire de la Terreur; La guillotine et l'imaginaire de la Terreur. Daniel Arasse (Auteur principal) Livre | Format : Livre poche | Editeur : Flammarion | Date de parution : 30/10/2010. Soyez le premier à commenter ce produit . Disponibilité Internet . Neuf - 11,00 € Non disponible en ligne. Alerte dispo. Occasion - 8,30 € En stock / Expédié sous Retrouveztout ce que vous devez savoir sur le livre La guillotine et l'imaginaire de la Terreur de de Daniel Arasse : résumé, couverture, notes et critiques des membres Kifim. avec Créer un compte | Se connecter Films. En VOD. Sur Netflix. Sur Primevideo. Sur Disney+. Sur Apple Tv. Trouver des films. Films populaires. Au cinéma. Films cultes. Les tops films. Recherche LaGuillotine Et L Imaginaire De La Terreur By Daniel Arasse La Guillotine Et L Imaginaire De La Terreur By Daniel Arasse Dec 19, 2017 Fnac La Guillotine et l imaginaire de la Terreur Daniel Arasse Flammarion Livraison chez vous ou en magasin et 5 sur tous les livres Achetez neuf ou d occasion. Rapide me éclair qui tranche vite et bien analogie entre la mécanique du LaGuillotine Et L'imaginaire De La Terreur - daniel arasse / Livres Histoire de France Révolution Française. Collection: CHAMPS ; Format: Poche ; Occasion dès 6,90 € Voir le produit. Vendez le vôtre. Coffret 2 Volumes : Histoires De Peintures- On N'y Voit Rien - daniel arasse / Livres Écrits sur l'art Écrits sur l'art. Collection: Folio. Essais ; Format: Coffret ; Occasion dès Laguillotine et l'imaginaire de la Terreur Daniel Arasse Snippet view - 1993. Common terms and phrases . aurait avant bourreau Cabanis citoyens complètes condamné confirme conscience considérable corps coup crime criminel d'être Delarue dernier devant devenu dire discours doit donne doute effet Euvres exécution fixe fonction force forme général gouvernement guillotine Cedossier a d’abord été publié dans Raison publique, n°16, printemps 2012. Les imaginaires de la Terreur : la référence implicite au titre du livre de Daniel Arasse ( La Guillotine ou l’imaginaire de la Terreur) indique à la fois l’esprit dans lequel s’inscrit ce dossier et les élargissements qu’il voudrait inviter à opérer. 2 « Avec ma machine, je vous fais sauter la tête en un clin d’œil » Selon Arasse, a posteriori, la trajectoire et la carrière médicale et sociale de Joseph-Ignace Guillotin s’exprime parfaitement dans une proposition formulée à la fin de l’année 1789 par « laquelle il léguera, malgré lui, son nom à l’Histoire ». Enfin Daniel Arasse a analysé en détail l’imaginaire de la guillotine depuis la révolution française et son iconographie 1: Nicolas-Antoine Taunay (1755-1830), Le Triomphe de la Guillotine, circa 1795, Musée de l’Ermitage . Revenons aux pulps et aux comics. Les premiers dessins de décapitations spécifiquement “horrifiques”, sans caution classique ou religieuse, DANSLA MÊME COLLECTION Daniel Arasse, La Guillotine et l’imaginaire de la terreur. Pierre Chaunu, La Civilisation de l’Europe des Lumières. Antonia Fraser, Les Femmes dans la vie de Louis XIV. Antonia Fraser, Marie-Antoinette. François Furet et Mona Ozouf, Dictionnaire critique de la Révo- lution française. Pierre Goubert, 100 000 provinciaux au XVIIe siècle. KrOmf4. Download Free PDFDownload Free PDFDownload Free PDFJean-clément MartinThis PaperA short summary of this paper37 Full PDFs related to this paperDownloadPDF PackPeople also downloaded these PDFsPeople also downloaded these free PDFsPeople also downloaded these free PDFsQuand faut-il parler de cruauté ? Les peaux tannées de la Vendée 1793by Jean-clément MartinDownload Free PDFView PDFSUR LA GUERRE DE VENDÉE ET LE CONCEPT DE GÉNOCIDE » UNE MISE AU POINT HISTORIQUEby Jean-clément MartinDownload Free PDFView PDFQUELLE EXACTITUDE FAUT-IL DEFENDRE ? OU DU BON USAGE DES FAKE NEWS » 1 -L'exemple qui tue la Terreurby Jean-clément MartinDownload Free PDFView PDFRonen Steinberg The Afterlives of the Terror. Note de lectureby Jean-clément MartinDownload Free PDFView PDFDe l’historiographie de la Révolution française, réflexions liées au Jean-clément MartinDownload Free PDFView PDFRéflexion sur la violence de la Révolution. 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Il s’agira, par la description de cette exécution, d’interroger les sensibilités révolutionnaires face à la guillotine et de caractériser la répression judiciaire dans l’espace toulousain. Par ailleurs, cette exécution ratée constitue un prisme pour interroger la construction de la légende noire de la guillotine et mettre en évidence l’existence d’une gêne à son endroit avant la réaction thermidorienne, à Toulouse certes, mais aussi à Paris. Ainsi, cet article se propose d’effectuer un aller-retour entre échelle locale et échelle nationale, micro et macro-analyse pour, par l’intermédiaire de la guillotine, tenter d’approcher l’un des concepts centraux de la pensée de Michel Vovelle les mentalités révolutionnaires. This article, based on a spoken tribute to Michel Vovelle, aims to study a failed execution in Toulouse in January 1794. The description of this execution will be used to understand the revolutionary tendencies towards the use of the guillotine and to better define the legal repression in the Toulouse area. Furthermore, this failed execution is a cornerstone to the study of the rising of the guillotine’s black legends and highlights the existence of a certain discomfort on the matter, even before the “Thermidorian reaction”, in Toulouse as well as in Paris. This article also aims to cover a subject both at a local and national scale, using micro and macro-analysis through the topic of the guillotine in order to approach one of the central concepts of Michel Vovelle’s works the revolutionary de page Entrées d’index Haut de page Texte intégral 1 Journée d’études Mémoire et héritages de Michel Vovelle, qu’en disent les doctorants en 2019 ? », ... 1Le 25 avril 1792, la tête de Nicolas-Jacques Pelletier tombe dans le panier de la guillotine. Cette dernière est alors mise en service pour la première fois à Toulouse, sur la place du Capitole alors place de la Liberté, manifestant une nouvelle conception de la peine de mort. La conception de la guillotine entend donner naissance à une machine qui répond aux vœux humanistes des législateurs, ceux d’une mécanique implacable et parfaite supprimant la souffrance physique et symbolique infligée aux condamnés à la peine de mort sous l’Ancien Régime. Or, cet article, tiré d’une communication orale en hommage aux travaux de Michel Vovelle1, entend justement montrer que l’étude de la guillotine est trop souvent restée prisonnière des discours vantant la perfection mécanique de la machine, occultant des réalités tout autres qui structurent un rapport particulier et ambivalent à son égard. 2 Michel Vovelle, La Mentalité révolutionnaire. Société et mentalités sous la Révolution française, P ... 3 Lucien Febvre, Comment reconstituer la vie mentale d’autrefois ? », dans Combats pour l’histoire, ... 4 Martine Charageat et Mathieu Soula, Le corps comme lieu pénal », dans Martine Charageat, Mathieu ... 5 Michel Vovelle, Mourir autrefois, Paris, Gallimard, 1974 ; Id., La Mort et l’Occident de 1300 à nos ... 2Thème cher à Michel Vovelle2, les mentalités » sont un objet historique également important pour les fondateurs des Annales, Lucien Febvre et Marc Bloch3. Les mentalités sont toujours porteuses d’interrogations historiques fécondes, intégrées, en partie, dans le concept de représentations ». Cependant, les mentalités renvoient aussi à une dimension sociale qui, à propos de la guillotine et de la peine de mort, poussent à s’interroger sur leur inscription dans les rapports sociaux révolutionnaires. En effet, la peine de mort, comme l’ont souligné Martine Charageat et Mathieu Soula, détermine ce qui est légitime et ce qui ne l’est pas, détermine la légitimité de l’autorité qui exerce la violence [S]e proclamer le gardien et le vengeur des corps sanglants, meurtris, saccagés ou violentés, c’est se poser en arbitre des relations sociales. […] [S]e proclamer légitime à détruire un corps, à le priver de vie, à l’amputer, à le marquer, ou à le priver de sa liberté de mouvement, c’est se poser en arbitre des relations sociales. C’est, en un mot, imposer des cadres de visions, des lunettes sociales, […] qui imposent donc un ordre des choses4. » Plus largement, les mentalités permettent de saisir la mort non comme un seul objet d’histoire culturelle, mais aussi comme un objet d’histoire sociale. Les nombreux travaux de Michel Vovelle sont ici éclairants5. Ainsi, dans La Mort et l’Occident de 1300 à nos jours, Michel Vovelle détaille les évolutions des pratiques devant la mort qui attestent que l’on ne meurt pas partout et en tous temps de la même façon. Les différentes façons de mourir se succèdent de la mise en scène de la mort médiévale chrétienne à la mort contemporaine masquée et rejetée. Les attitudes devant la mort renvoient ainsi à des pratiques sociales plus ou moins normées. Mais, loin de conclure à des modèles archétypaux, les recherches de Michel Vovelle sur la mort ont permis de souligner l’existence d’écarts entre normes et pratiques, notamment par un retour aux acteurs. 6 Daniel Arasse, La guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Paris, Flammarion, 1987 ; Anne Carol, P ... 7 Art. 1er des Décrets des 27, 28 et 29 germinal an II concernant la répression des conspirateurs, ... 8 Soulignons, à ce propos, qu’Anne Carol, dans Physiologie de la Veuve…, op. cit., fait le choix de p ... 3C’est dans cette perspective que s’inscrit cet article. En effet, si la guillotine est un objet d’études ayant bénéficié de nombreux travaux6, c’est souvent la guillotine parisienne qui a concentré, pour d’évidentes raisons liées à l’importance déterminante de Paris, particulièrement après le décret du 27 germinal an II 17 avril 1794 qui centralise la répression des conspirateurs » au sein du seul tribunal révolutionnaire de Paris7, la majeure partie des études8. Or, il nous semble judicieux de faire varier, dans cet article, les échelles pour faire apparaitre l’intérêt du local, rendre justice aux acteurs et révéler un possible écart entre un discours sur la guillotine et les réalités sociales des exécutions. 9 Jacques Revel dir., Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard et Le Seui ... 4En outre, l’analyse d’une seule exécution permet de s’attacher à certains détails qui nous informent sur les enjeux qui se nouent autour de la peine de mort. Nous nous plaçons ici dans le sillage de la position défendue par Jacques Revel, Marc Abélès, Alban Bensa et Bernard Lepetit, en 1996, à savoir que la structure sociale n’apparait véritablement que dans une prise en compte multidimensionnelle faisant varier les échelles, de la micro à la macro-analyse9. Aussi, cette étude d’une exécution ratée, à Toulouse, nécessite un constant va-et-vient entre les échelles nationale et locale, entre les acteurs de cette exécution et le contexte parisien. 5Pour ce faire, nous présenterons d’abord brièvement les différentes étapes de la naissance de la guillotine afin de souligner l’écart entre les intentions initiales des promoteurs de la machine et les réalités sociales des exécutions. Ces dernières seront abordées dans un second temps, à travers le récit de cette exécution toulousaine ratée, en janvier 1794, afin d’en tirer, par la suite, quelques éléments qui, mis en regard avec le contexte à grande et petite échelles, permettront d’appréhender les contradictions autour de cet objet à la force symbolique puissante. Égalité, publicité, instantanéité l’adoption de la guillotine Humanisme pénal et volontés réformatrices 6Le 9 octobre 1789, le député Joseph-Ignace Guillotin monte à la tribune de l’Assemblée. Il y propose l’ajout de six articles au décret qui réforme certains aspects de la procédure criminelle Art. 29. Les mêmes délits seront punis par le même genre de supplice, quels que soient le rang et l’état du coupable. Art. 30. Dans tous les cas où la loi prononcera la peine de mort contre un accusé, le supplice sera le même, quelle que soit la nature du délit dont il se sera rendu coupable. Le criminel aura la tête tranchée. Art. 31. Le crime étant personnel, le supplice d’un coupable n’imprimera aucune flétrissure à sa famille. L’honneur de ceux qui lui appartiennent ne sera nullement entaché, et tous continueront d’être également admissibles à toutes sortes de professions, d’emplois et dignités. Art. 32. Quiconque osera reprocher à un citoyen le supplice d’un de ses proches, sera puni de….. Art. 33. La confiscation des biens des condamnés ne pourra jamais avoir lieu, ni être prononcée en aucun cas. 10 Archives parlementaires, t. 9, p. 393, disponible sur le portail Persée à l’adresse ... Art. 34. Le corps d’un homme supplicié sera délivré à sa famille, si elle le demande ; dans tous les cas, il sera admis à la sépulture ordinaire, et il ne sera fait sur le registre aucune mention du genre de mort10. 11 Anne Simonin, La révolution par l’exemple l’abolition du préjugé des peines infamantes », dans ... 12 Comme Pierre-François Muyart de Mouglans, auteur du Mémoire sur les peines infamantes. À son propos ... 13 Ibid., p. 293. 7La proposition de Guillotin illustre tout à fait la vision qui est alors celle des législateurs. Il s’agit, avant tout, de mettre un terme aux procédures criminelles d’Ancien Régime. Cela passe par une peine de mort égalitaire. À une différenciation des modalités de mise à mort selon le crime et le statut social du condamné, Guillotin oppose la généralisation de la décapitation. Son choix n’est pas anodin. Les articles proposés visent, outre à mettre fin à la diversité des supplices, à généraliser par le haut la peine capitale en élevant les roturiers au prestige d’une décapitation réservée à la noblesse. Mais la décapitation n’est qu’un aspect, parmi d’autres, de la proposition de Guillotin. Cette dernière, très vaste, entend aussi mettre fin à l’infamie qui pesait sur le condamné et au préjugé qui faisait rejaillir l’infamie sur sa famille. La proposition de Guillotin a, du reste, lieu dans le contexte de l’affaire des frères Arasse, dont Anne Simonin a montré l’importance11. Cette affaire voit l’opinion publique se mobiliser pour l’abolition du préjugé des peines infamantes, dénoncé par plusieurs juristes au cours du xviiie siècle12. La flétrissure de la peine ne doit donc plus, aux yeux de Guillotin, accompagner le mort et sa famille. Le châtiment doit se borner à l’exécution de la peine et souligner le changement de paradigme pénal Les peines infamantes revues et corrigées par le docteur Guillotin et l’opinion publique révolutionnaire, symbolisent une chose tout aussi radicale l’entrée du principe d’égalité et du principe de la personnalité des peines dans les lois pénales de la Révolution13. » 14 Décret du 21 janvier 1790 sur la punition des coupables, & sur les suites de cette punition », da ... 15 Loi. Code Pénal, Paris, imp. de Prault, 1791, p. 2. 8Certaines des propositions de Guillotin articles 29, 31, 33 et 34 sont reprises dans le décret du 21 janvier 1790 qui fixe la punition des coupables, mais pas celle faisant de la décapitation l’unique moyen de mise à mort14. C’est le Code pénal, adopté entre le 25 septembre et le 6 octobre 1791, qui, en son article 3, entérine ce choix III. Tout condamné aura la tête tranchée15. » 16 Ibid., p. 1 17 Anne Carol, Devant l’échafaud… », art. cité, p. 146. 18 Guillaume Mazeau, Émotions politiques la Révolution française », dans Alain Corbin, Jean-Jacque ... 9Outre la décapitation, le Code pénal explicite clairement la volonté des députés de mettre un terme aux supplices II. La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu’il puisse jamais être exercé aucune torture envers les condamnés16. » Cette recherche de l’absence de souffrance est centrale dans le choix d’une décapitation mécanique. En effet, jusqu’à la Révolution, la souffrance infligée constitue le cœur des peines afflictives17. » Le Salut du condamné, mis en péril par son crime, ne peut être assuré que par la souffrance éprouvée lors du châtiment. Or, de nombreuses critiques à l’endroit de cette conception de la peine capitale ont été développées, particulièrement dans la seconde moitié du xviiie siècle. Elles ont dénoncé la brutalité et l’inhumanité de la justice pénale, notamment à l’occasion de quelques célèbres exécutions, à l’image de celles de Robert-François Damiens en 1757, de Calas en 1762, du chevalier de la Barre et de Lally-Tollendal en 176618. 19 Cesare Beccaria, Des délits et des peines, Philadelphie, 1766 1764, p. 60. 20 Diane Bernard et Damien Scalia, Retour à la proportion selon Beccaria dans le droit pénal interna ... 21 Né en Clermont-Ferrand le 30 novembre 1625, Jean Domat est l’un des jurisconsultes français majeurs ... 22 Yves Cartuvyels, D’où vient le code pénal ? Une approche généalogique des premiers codes pénaux abs ... 10De même, l’influence du juriste italien Cesare Beccaria et de son Des délits et des peines a participé de l’évolution de la conception de la peine capitale, lui qui rejette l’inutile profusion des supplices19. » Si Beccaria a une place importante dans cette évolution, il est réducteur de le considérer comme ayant, seul, influencé la conception du droit pénal et, par extension, de la peine de mort. En effet, Beccaria est influencé par Montesquieu qui, dans De l’esprit des Lois en 1748, défend par exemple le principe de proportionnalité des peines20. Cette volonté réformatrice est en réalité présente dès le xviie siècle, notamment sous la plume de Jean Domat21. Ce dernier est l’un des premiers à poser le principe de proportionnalité des délits et des peines, à reconnaître l’existence de circonstances atténuantes et aggravantes, à distinguer les homicides volontaire et involontaire et à penser le libre-arbitre comme fondement de la responsabilité pénale. Rejetant une distinction fondée sur l’état social des individus, Domat peut alors être considéré comme l’un des premiers à penser l’égalité des sujets de droit devant la loi pénale22 ». 23 À ceci près que les Parlements, en 1788, refusent d’enregistrer la réforme comportant l’abolition d ... 11Le Code pénal de 1791 s’ancre donc dans un héritage réformateur lointain, mais poursuit aussi des réformes entamées par la monarchie française à la fin du xviiie siècle. En 1780, Louis XVI abolit ainsi la question préparatoire puis, en 1788, la question préalable23. La première était appliquée au cours de la procédure pour obtenir les aveux du suspect. La seconde, quant à elle, appliquée avant l’exécution, avait pour but de faire avouer au condamné le nom de ses complices. 24 Le long drop, pendaison qui entraine une mort immédiate par arrachement des vertèbres, n’est mis au ... 12Si la volonté d’abolir les souffrances est clairement exprimée dans les débats sur le Code pénal, son application concrète est plus difficile. La souffrance est alors intimement liée à la question de la temporalité. L’abolition des souffrances a donc, comme corollaire, l’abolition de la durée. Une peine de mort sans souffrance ne peut ainsi être qu’instantanée. La pendaison n’étant pas instantanée24, la décapitation apparait là encore comme idoine. Ce faisant, le choix de la décapitation renvoie à la fois à une volonté de rendre la peine capitale égalitaire, sur le modèle de l’ancien privilège nobiliaire, et à un but humaniste, celui de la fin des supplices qui prolongeaient la souffrance du condamné. Le choix d’une décapitation mécanique 25 Rapport de Charles-Henri Sanson au ministre de la justice sur le mode de décapitation » cité in e ... 13Au cours de l’Ancien régime, c’est le bourreau qui, maniant généralement une lourde épée, tranche la tête d’un condamné qui se tient à genoux. En mars 1792, le bourreau de Paris, Charles-Henri Sanson, rend un rapport à l’Assemblée sur cette question25. Il y fait état de plusieurs inquiétudes Quel sera le comportement des condamnés ? S’ils venaient à défaillir, la lame passerait soit trop haut, soit trop bas. Comment prédire que le bourreau, face à l’augmentation inéluctable des décapitations, ne s’épuise pas après plusieurs exécutions ? Quid de la qualité d’une lame qui ne manquera pas de s’émousser après plusieurs exécutions et qui, d’après Sanson, se casse souvent ? Sanson souligne également la problématique du sang versé lors de la décapitation 26 Ibid., p. 31 Il est à examiner que, lorsqu’il y aura plusieurs condamnés qui seront exécutés au même instant, la terreur que présente cette exécution, par l’immensité de sang qu’elle produit, et qui se trouve répandu, portera l’effroi et la faiblesse dans l’âme du plus intrépide de ceux qui resteront à exécuter26. 14L’Assemblée confie au procureur général syndic du département de la Seine, Pierre-Louis Roederer, la mission de résoudre les problèmes liés à la décapitation manuelle. Il sollicite le concours d’Antoine Louis, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de chirurgie. Dans son avis, joint au décret du 20 mars 1792 qui fixe les modalités de la décapitation, Antoine Louis conclut que la mécanisation de la peine de mort est le seul moyen de respecter la volonté humaniste exprimée dans l’article 2 du Code pénal 27 Décret du 20 mars 1792 qui fixe le mode de la décollation des condamnés à mort », dans Collection ... En considérant la structure du col, dont la colonne vertébrale est le centre, composée de plusieurs os dont la connexion forme des enchevauchures, de manière qu’il n’y a pas de joint à chercher, il n’est pas possible d’être assuré d’une prompte et parfaite séparation, en la confiant à un agent susceptible de varier en adresse par des causes morales et physiques. Il faut nécessairement, pour la certitude du procédé, qu’il dépende de moyens mécaniques invariables, dont on puisse également déterminer la force et l’effet27. 15Antoine Louis donne également le détail de la machine qui, pour lui, suppléera au bourreau et à sa lame 28 Ibid. Le mode de décollation sera uniforme dans tout l’empire. Le corps du criminel sera couché sur le ventre entre deux poteaux barrés par le haut d’une traverse, d’où l’on fera tomber sur le col une hache convexe au moyen d’une déclique le dos de l’instrument sera assez fort et assez lourd pour agir efficacement, comme le mouton qui sert à enfoncer des pilotis et dont la force augmente en fonction de la hauteur dont il tombe28. 29 Ibid. 30 Le National Museum of Scotland en conserve un exemplaire ... 16Il rappelle également qu’il n’a pas imaginé ex nihilo la future guillotine C’est le parti qu’on a pris en Angleterre29. » Il fait là référence à la Maiden » ou gibier d’Halifax », machine à décapiter en fonctionnement dans le nord de l’Angleterre et en Écosse entre la seconde moitié du xvie et le début du xviiie siècle30. 31 Décret du 20 mars 1792 qui fixe le mode de la décollation des condamnés à mort », dans Collection ... 32 Antoine de Baecque, Les ridicules de l’homme nouveau. Un groupe de satiristes sous la Révolution ... 33 Les Actes des Apôtres, no 10, Paris, 1789, p. 13-14. 34 Ibid., p. 15-16. 17Se rangeant à son opinion, les députés adoptent, le 25 mars 1792, le principe d’une décapitation mécanique, garante d’une peine de mort plus humaniste, dans une formulation qui ne mentionne pas le terme de guillotine L’Assemblée nationale, après avoir décrété l’urgence, décrète que l’article III du titre premier du Code pénal sera exécuté suivant la manière indiquée & le mode adopté par la consultation signée du Secrétaire perpétuel de l’Académie de Chirurgie31. » En effet, la dénomination de guillotine n’a rien d’officielle. Renvoyant au rôle mineur joué par le député Guillotin, elle apparait pour la première fois dans le numéro 10 du journal royaliste Les Actes des Apôtres, fondé par Jean-Gabriel Peltier fin octobre 178932 Les membres qui sont d’avis du nom de l’auteur n’ont pas eu de peine à trouver la dénomination douce & coulante de guillotine33. » Suit une chanson satirique, sur l’air grave du menuet d’Exaudet », qui se conclut sur Qui simplement nous tuera,/Et que l’on nommera/Guillotine34. » Si le terme de guillotine, dès la période révolutionnaire, est l’un des plus utilisés, il n’en demeure pas moins concurrencé par d’autres. Louison », Louisette » – qui rappellent la responsabilité d’Antoine Louis –, glaive patriotique », hache de la loi », poignard des patriotes », cravate à Capet » ou Mirabelle » sont autant d’expressions qui ont cours, mais avec moins de succès, pendant la décennie révolutionnaire. 18Construite par Tobias Schmitt, fabricant de clavecins installé à Paris, sous la conduite d’Antoine Louis, puis testée entre mars et avril 1792, la guillotine entre en fonction le 25 avril 1792 à l’occasion de l’exécution de Nicolas-Jacques Pelletier, condamné à mort pour vol avec violence. La guillotine une imperfection technologique de la violence impersonnelle »35 ? La justice révolutionnaire à Toulouse en l’an II 36 Décret du 10 mars 1793 portant établissement d’un tribunal criminel extraordinaire pour juger les ... 37 Michel Biard, Missionnaires de la République les représentants du peuple en mission, 1793-1795, P ... 38 Ibid., p. 71 19Après que la Convention, le 10 mars 1793, a autorisé les représentants en mission dans les départements à faire traduire audit tribunal [révolutionnaire de Paris] les conspirateurs qui exciteraient du trouble et s’opposeraient aux opérations importantes dont [les représentants] sont chargés36 », elle entérine, le 19 mars suivant, la possibilité pour ces mêmes représentants de modifier le fonctionnement des tribunaux criminels départementaux en leur permettant de juger révolutionnairement. Le rôle de ces représentants est déterminant dans l’analyse et la compréhension des mécanismes répressifs dans les différents départements, ainsi que l’a montré Michel Biard37. Il souligne d’ailleurs que les représentants, loin de l’image d’envoyés sanguinaires venus terroriser les départements qui leur est parfois accolée, constituent un rouage majeur permettant l’application et l’exécution des lois en province, le tout dans le cadre d’une mission précise et sous le contrôle strict de la Convention. Loin d’incarner l’arbitraire de la Convention, ils ont su se fondre dans la vie politique de leur espace de mission, comprendre et utiliser les différents réseaux politiques et de sociabilité qui structurent les départements38. 39 Sur la difficulté de distinguer les différents groupes révolutionnaires, voir, entre autres, Michel ... 40 S’il y a accord, en novembre 1793, sur la possibilité pour le tribunal criminel d’adopter une procé ... 20Par ailleurs, c’est la Société populaire, regroupant les militants révolutionnaires locaux proches des Jacobins39, qui demande au représentant l’instauration d’une justice révolutionnaire à Toulouse, soulignant ainsi les liens fort entre représentants et organes révolutionnaires locaux40. 41 Pierre Paganel 1745-1826 est député du Lot-et-Garonne à la Convention nationale. 42 Joseph Cassanyes 1758-1843 est député des Pyrénées-Orientales à la Convention nationale. 21Suite à cette demande, le 15 novembre 1793, le représentant en mission en Haute-Garonne, Pierre Paganel41, et le représentant en mission près l’armée des Pyrénées-Orientales, Joseph Cassanyes42, octroient au tribunal criminel du département le droit de juger révolutionnairement Sur la demande de la Société populaire, les représentants du peuple en séance à Toulouse – Considérant que le châtiment exemplaire des ennemis de la Révolution, dont les manœuvres et les complots ont mis en péril la liberté, importe au succès des mesures révolutionnaires décrétées par la Convention nationale et arrêtés par les représentants du peuple en séance dans les départements et auprès des armées ; – considérant que les formes auxquelles sont assujettis les tribunaux ordinaires ne doivent ni arrêter ni même ralentir la marche révolutionnaire adoptée par la Montagne de la Convention nationale ; – considérant que les grands coupables reclus dans les maisons d’arrêt de Toulouse sont réclamés par la justice nationale. – Nous, représentants du peuple, arrêtons 43 AD de Haute-Garonne, 1 L 1042, pièce 69, fo 1. Que le Tribunal criminel de Toulouse est provisoirement érigé en tribunal révolutionnaire à l’instar de celui de Paris43. 44 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 99. 22La possibilité, pour les tribunaux criminels départementaux, de juger révolutionnairement ne signifie pas l’abandon des règles pénales ordinaires. Si l’adjectif extraordinaire » devient, au cours de l’année 1792, progressivement un synonyme de révolutionnaire », autrement dit va servir à définir ce qui, en des temps extraordinaires, relève de mesures prises en application d’une loi qui n’aurait pu voir le jour dans un contexte paisible44 », il ne se substitue pas à la marche ordinaire de la justice, a minima à Toulouse. Les deux justices continuent d’exister, côte-à-côte. En effet, le tribunal criminel de la Haute-Garonne continue ainsi de juger, en plus petit nombre certes, des affaires criminelles au cours de l’exercice de la justice révolutionnaire. La mention provisoirement érigé » renvoie bien à un contexte de crise nécessitant des mesures d’urgence, mais néanmoins pensées dans le cadre pénal existant. Cependant, l’usage de nommer ce tribunal Tribunal révolutionnaire de Toulouse », notamment sous la plume de Paganel et Cassanyes, est trompeur. Il pourrait laisser penser que le fait de donner, dans un temps limité, des moyens extraordinaires – ou révolutionnaires – à un tribunal criminel départemental s’apparenterait à une transformation de celui-ci en tribunal révolutionnaire. Or, le tribunal criminel de Haute-Garonne jugeant révolutionnairement n’est pas un tribunal révolutionnaire au même titre que celui de Paris, créé ex-nihilo. De ce fait, pour ne pas entretenir la confusion, nous choisissons de continuer à le nommer, faute d’une formulation plus synthétique, tribunal criminel jugeant révolutionnairement ». 45 Décret du 17 septembre 1793 qui ordonne l’arrestation des personnes suspectes », dans Collection ... 46 Les prisons toulousaines comptent près d’un millier de suspects au plus fort de la répression. Voir ... 23Par ailleurs, le décret de novembre 1793 mentionne les grands coupables reclus dans les maisons d’arrêt de Toulouse », faisant ici écho à la hausse des arrestations suite à la loi du 17 septembre 179345. Les prisons toulousaines sont en effet pleines46 et, dans l’esprit de Paganel et de la Société populaire de Toulouse, la punition des coupables passe par l’adoption de mesures provisoires et extraordinaires pour accélérer le fonctionnement du tribunal. 24Pourquoi la Société populaire, en novembre 1793, ressent-elle, au-delà de la nécessité de vider les prisons surpeuplées, le besoin d’instaurer une justice extraordinaire ? Trois facteurs principaux permettent de le comprendre. 47 Ainsi, le 20 vendémiaire an II 11 octobre 1793, le tribunal criminel envoie L. Denis à la guillot ... 25La guerre franco-espagnole constitue le premier de ces facteurs. Le conflit débute le 7 mars 1793 quand la Convention déclare la guerre à son voisin transpyrénéen après plusieurs mois de tension et de rupture des relations diplomatiques entre les deux pays suite à l’exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793. Toulouse devient l’un des centres logistiques des armées françaises engagées sur le front pyrénéen. Les premières défaites françaises font naître, à partir de septembre 1793, la peur d’une invasion de la ville, d’un siège et de la famine47. Les ennemis de l’intérieur », tout particulièrement les prêtres, accusés de soutenir l’Espagne catholique, sont pourchassés. 48 Philippe Nelidoff, La municipalité de Toulouse pendant la Révolution française 1789-1795, thèse d ... 49 Le 3 mars 1794, Jean-Joseph Virebent, puis, le 20 avril 1794, Garnault, tous deux membres de la mun ... 50 Le 29 juin 1794, Marc Derrery, Delbèze, Loubet, Douziech, commandant de la garde nationale, Ruffat, ... 26La crise fédéraliste – qui constitue le deuxième facteur – vient, dans l’ensemble de notre espace, accroître les tensions. Si la Société populaire demeure fidèle à la Convention, les autorités municipales et départementales, elles, hésitent avant, le 26 juin 1793, de finalement refuser de se joindre aux protestations contre la mise en état d’arrestation, à Paris, des meneurs girondins48. À Toulouse, le fédéralisme est d’autant plus combattu qu’il constitue un péril supplémentaire s’ajoutant à celui espagnol, faisant naitre chez les autorités une angoisse face à la pluralité des menaces. Ainsi, plusieurs membres de la municipalité sont condamnés à mort par le tribunal criminel de Haute-Garonne jugeant révolutionnairement au cours du printemps 179449, puis par le tribunal révolutionnaire, à Paris, en juin 179450. 51 Valérie Sottocasa, Mémoires affrontées. Protestants et catholiques face à la Révolution dans les mo ... 52 Ce soutien, par exemple dans le Gers et une partie du Tarn, se borne au fait de cacher les prêtres ... 27Enfin, troisième facteur, la présence d’insurrections contre-révolutionnaires dans les départements proches de la Lozère et de l’Aveyron, suite à la levée en masse de 179351, comme le soutien latent de la population rurale autour de Toulouse aux clercs réfractaires52, peuvent donner le sentiment aux révolutionnaires toulousains de constituer une citadelle assiégée » au milieu d’espaces ruraux potentiellement hostiles aux idées révolutionnaires, et, ce faisant, renforcer l’anxiété des autorités toulousaines. 53 Les mois de pluviôse, ventôse et germinal an II de janvier à avril 1794 sont ainsi les plus meurt ... 54 Décret du 19 floréal an II 8 mai 1794 qui règle la compétence du tribunal révolutionnaire de Pa ... 55 Ibid. 56 Germain Sicard, Le procès des parlementaires toulousains devant le tribunal révolutionnaire », da ... 28La répression étant contenue dans l’horizon du conflit franco-espagnol – entretenue par les fractures politiques parisiennes, dont l’écho à l’échelle locale est à ne pas minorer, comme par une insécurité latente dans les campagnes relativement proches –, elle décroit avec le retournement de situation et les victoires françaises du printemps 179453, avant de s’achever avec le décret du 19 floréal an II 8 mai 179454. Ce dernier supprime en effet les tribunaux et commissions révolutionnaires établis dans quelques départements par les arrêtés des représentants du peuple55. » Les accusés passibles de la justice révolutionnaire sont désormais envoyés au tribunal révolutionnaire de Paris. C’est ainsi que cinquante-trois anciens parlementaires toulousains sont jugés, condamnés à mort et exécutés à Paris entre le printemps et l’été 179456. La justice révolutionnaire à Toulouse se déploie donc surtout à l’automne 1793, car les autorités locales ont les moyens légaux de la mettre en œuvre, dans un contexte de peur grandissante dont l’acmé se situe à cette période. 57 Pierre-Arnaud Dartigoeyte 1763-1812 est député des Landes à la Convention nationale entre 1792 et ... 58 AD de Haute-Garonne, 7 L 202 U 175. 59 Il s’agit de l’actuelle place du Capitole. La guillotine était alors située en face du Capitole, au ... 29Si le personnel des tribunaux criminel et de district s’avère régulièrement modifié au gré des différentes épurations, il est possible de présenter brièvement les deux figures principales du tribunal criminel jugeant révolutionnairement. Sur décision du représentant en mission Pierre-Arnaud Dartigoeyte57, la présidence échoit à François-Joseph Hugueny, président du tribunal de district de Grenade, et la fonction d’accusateur public à Jean-Pierre Cappelle, juge au tribunal de district de Revel58. Les trois juges du tribunal jugeant révolutionnairement sont choisis parmi ceux des tribunaux de district de Haute-Garonne. Chaque district désigne également un juré pour composer le jury populaire de douze citoyens, à l’exception de celui de Toulouse, qui en désigne cinq. La guillotine, quant à elle, est maintenue dressée en permanence pendant l’exercice de la justice révolutionnaire, place de la Liberté59. 60 AD de Haute-Garonne, 1 J 601, pièces 1 et 2 ; 8 L 204 U 88, pièces 1 à 15. 61 Il s’agit d’Antoinette-Adrienne de Rabaudy, exécutée le 2 mars 1794. Voir, à son propos, Guillaume ... 62 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 111 ; et Antoine Boulant, Le Tribunal rév ... 63 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 111. 30La première audience se tient le 14 janvier 1794. Jusqu’au printemps 1794, quatre-vingt-sept accusés sont jugés. Quarante-cinq d’entre eux sont acquittés et relaxés et quarante-trois sont condamnés60. Parmi ces derniers, douze sont condamnés à des peines autres que la mort amende dans la plupart des cas, prison ou déportation et trente-et-un à la peine capitale. L’un des condamnés à mort parvient à s’échapper, portant le total d’exécutés à trente individus, dont une femme61. En somme, le tribunal a autant condamné 49 % qu’acquitté 51 %. Si 70 % des condamnés le sont à mort, seuls 34 % des accusés vont à la guillotine, illustrant la relative modération du tribunal. Ce ratio n’est cependant pas très éloigné de celui de la commission révolutionnaire de Lyon, qui prononce, entre le 30 novembre 1793 et le 6 avril 1794, 47,5 % d’acquittements, ou du tribunal révolutionnaire de Paris, qui, avant la réforme du 22 prairial an II 10 juin 1794, acquitte la moitié des accusés62, deux institutions jugées pourtant bien plus terribles. Il n’est évidemment pas question ici de comparer ce qui n’a pas lieu d’être tant les deux exemples choisis ont condamné un nombre bien plus important d’individus à mort, mais simplement de montrer que, proportionnellement aux audiences tenues, les réalités sont plus nuancées qu’il n’y paraît au premier abord63 ». Enfin, 73 % des condamnés sont des roturiers, contre 17 % de clercs et 10 % de nobles. Quand la guillotine rate l’exécution de Tristan-David de Beaudrigue d’Escalonne 64 Axel Duboul, Le tribunal révolutionnaire de Toulouse, 25 Nivôse-3 Floréal An II, 14 janvier-22 avri ... 31Âgé de vingt-deux ans et issu d’une famille de la noblesse toulousaine, Tristan-David de Beaudrigue d’Escalonne est conseiller au parlement avant la Révolution. Son père, décédé en 1793, fait partie des parlementaires ayant solennellement protesté comme la suppression du parlement de Toulouse64. D’Escalonne est arrêté une première fois, en avril 1793, pour être parent d’un noble émigré avant d’être relâché quelques jours plus tard. 65 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, pièces 2, f° 1 et 2. 66 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, pièce 2, f° 4. 67 Ibid. 68 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, pièce 5, f° 1. 69 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, pièce 14, f° 1 et 2. 32Le 21 février 1794, il est dénoncé par le comité de surveillance de Toulouse sur demande de la Société populaire. En effet, il est accusé d’avoir tenu des propos contre-révolutionnaires et d’avoir, avec d’autres individus, invectivé violemment les représentants Baudot et Chaudron-Rousseau en pleine séance de l’assemblée des autorités constituées, le 13 juin 179365. Il est difficile de savoir pourquoi des faits datant de juin 1793 lui sont reprochés fin février 1794, et pas avant. Arrêté le 22 février, il est interrogé deux jours durant. Le 22 février, le président du tribunal, Hugueny, dirige l’interrogatoire et cherche à déterminer, d’une part, si les propos tenus par le prévenu sont avérés et, d’autre part, s’il fait partie d’un complot contre la Révolution à Toulouse. À nouveau interrogé le lendemain par le juge Guimbert, remplaçant Hugueny, les questions posées sont les mêmes que la veille66. Le résultat n’est pas probant, d’Escalonne reconnaissant avoir tenu les propos qui lui sont reprochés, mais niant sa participation à un complot67. Guimbert recueille le témoignage d’un dénommé François Aymes et le joint à la procédure. Ce témoignage est à charge contre le prévenu et confirme que celui-ci s’en est violemment pris aux représentants68. Le 24 février, l’acte d’accusation est rédigé et l’audience est fixée au lendemain. Le 25 février, Tristan David est condamné à mort et guillotiné place de la Liberté69. 33Les pièces du dossier de Beaudrigue d’Escalonne montrent que les juges et les jurés fondent leur décision sur un double interrogatoire de l’accusé, ainsi que sur un témoignage à charge. Aussi discutable que soit la sévérité du jugement, il n’en demeure pas moins que l’exercice de la justice révolutionnaire ne fait pas l’économie du respect des formes juridiques et de la constitution d’un dossier d’accusation aussi solide que possible. 70 AD Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, pièce 14, f°1 et 2. 71 Axel Duboul, Le tribunal révolutionnaire de Toulouse…, op. cit., p. 89 72 Ibid., p. 90. 34D’Escallone quitte sa prison, située dans l’actuel Palais de Justice, pour être exécuté70. À la différence de l’usage parisien, il n’y a pas, à Toulouse, de charrette pour les condamnés. Ces derniers doivent donc effectuer le trajet à pied, précédés d’un tambour et encadrés par la garde nationale. Au moment de son exécution sur la place de la Liberté, le jeune homme refuse de monter à l’échafaud. Il doit être tiré par les gardes nationaux afin de gravir les marches menant à la guillotine. Loin de se calmer à l’approche de la machine, il fond en larmes et résiste plus fortement. Les aides du bourreau doivent prêter main-forte aux gardes nationaux. Ils se saisissent de lui afin de le placer sur la planche pour, ensuite, le basculer à l’horizontale et le glisser sous les montants de la guillotine. D’Escalonne se débat au point d’entraver son positionnement sur la machine. Le bourreau ne le repositionne pas correctement et tire sur la corde afin de libérer la lame. Celle-ci ne tranche pas entièrement la tête. L’exécuteur doit alors remonter en urgence la lame afin de terminer la décollation, offrant à la foule le spectacle d’une tête pantelante, partiellement tranchée71. Cette même foule se serait émue devant cette exécution contraire à tous les principes d’instantanéité et d’humanisme véhiculés par la machine72, grondant face à la maladresse des exécuteurs et prenant ouvertement le parti du jeune homme supplicié. 73 Ibid., p. 92. 74 Ibid., p. 91. 75 Ibid., p. 91. 35Le soir même, le citoyen Romme, juré du tribunal révolutionnaire et figure du jacobinisme toulousain, propose, lors d’une séance de la Société populaire, de changer la guillotine de place afin d’éviter qu’une telle scène ne se reproduise sur une place aussi fréquentée que celle de la Liberté73. L’assemblée de la Société populaire accepte la proposition et mandate les citoyens Romme et Benaben afin de porter cette demande auprès de la municipalité74. Pour justifier ce changement de place et l’urgence qui l’accompagne, les deux citoyens délégués par la Société populaire soulignent qu’il est nécessaire d’agir rapidement, car il est important de cacher la vue du sang et éviter à l’avenir le renouvellement de “cette senne dégoutante et dôreur” [sic]75 ». La municipalité en débat rapidement. Le 27 février, le maire Jean-Jacques Groussac écrit à Hugueny, président du tribunal révolutionnaire, que la proposition a été acceptée et lui enjoint de procéder au déplacement de la guillotine. Je te préviens, citoyen, que […] tu es invité à faire transférer la guillotine sur cette place, où dorénavant toutes les exécutions contre les ennemis de la patrie pourront être faites. 76 Citée par Axel Duboul en appendice no 3 du Tribunal révolutionnaire de Toulouse…, op. cit., p. 157. […] Ainsi veuillez donner les ordres de suite pour en délivrer les regards des citoyens qui promèneront demain sur la place de la Liberté76. 77 AD de Haute-Garonne, 1 J 601, pièce 2. 36C’est chose faite dans la journée, car le procès-verbal d’exécution d’un certain Olombel précise que la peine de capitale a été exécutée le 27 février 1794, place de la Révolution77. Les mentalités autour des exécutions publiques 78 Voir, à ce propos, entre autres références, Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Paris, Presses ... 79 Pascal Bastien, L’exécution publique à Paris au xviiie siècle. Une histoire des rituels judiciaires... 37Qu’extraire de ce récit ? Ce tragique événement met en lumière qu’une exécution qui échoue fait horreur, pose problème et crée du dégoût la guillotine n’est plus le symbole positif de la Révolution, mais une machine dérangeante. Cela se lit dans l’expression de cette sensibilité très prononcée – ainsi la mention dégoutante d’horreur » – comme dans l’urgence de délivrer les regards des citoyens » de la vue de la guillotine dans une période pourtant considérée comme le pic de la répression à Toulouse. La réaction de la foule est également intéressante. Sans entrer dans une analyse détaillée des émotions et réactions de la foule78, il convient néanmoins de souligner qu’une telle réaction désapprobatrice des spectateurs de l’exécution publique s’ancre dans un héritage ancien, particulièrement lors d’exécutions ratées du fait de la maladresse ou de l’incompétence du bourreau79. 80 Anne Carol, Physiologie de la Veuve…, op. cit., p. 57 81 Ibid. ; et Aurélien Vivie, Histoire de la Terreur à Bordeaux, Bordeaux, Féret et fils, 1877, p. 252 82 Bibliothèque municipale de Toulouse, P 14226, L’Anti-Terroriste du 30 avril 1796, supplément, p. 2. 83 Anne Carol, Physiologie de la Veuve…, op. cit., p. 56. 84 Rapport sur la machine à décapiter, Guiraud, 5 juin 1792 » dans Revue rétrospective, Paris, ... 38C’est le cas à Toulouse, mais aussi ailleurs en province à Lyon, l’exécution de Marie-Joseph Chalier, le 17 juillet 1793, a raté le bourreau doit terminer le travail au couteau80. À Bordeaux, le 4 juin 1794, le bourreau, ivre, échoue à trancher correctement la tête et doit faire tomber la lame plusieurs fois. Les frères Peyrussan, exécuteurs bordelais, sont même jugés pour cruautés inutiles suite à leurs nombreux ratés, alors même que la faute en reviendrait à une guillotine défectueuse81. En avril 1796, toujours à Toulouse, un nouveau raté est constaté, obligeant, là aussi, le bourreau à couper la tête à l’aide d’un couteau82. Par ailleurs, il faut noter l’existence de guillotines construites à la va-vite et dont la mécanique, parfois, s’enraye dans le département du Var, en 1793, à peine la machine est-elle arrivée que l’accusateur public se fait écho d’une mécanique défectueuse83. Dès juin 1792, Guiraud, architecte en chef, expertise la guillotine parisienne et note plusieurs problèmes au niveau des gouttières qui permettent la chute de la lame et des vis qui la soutiennent. La conclusion de Guiraud est sans appel Il résulte de notre examen et de notre appréciation que cette machine, quoique bien conçue en elle-même, n’est pas portée au degré de perfection dont elle est susceptible, et qui, pour la tranquillité publique, devrait y être ajoutée84. » 85 Regina Janes, Beheadings », art. cité, p. 21. 39Les ratés, sans être nombreux, battent en brèche la fiabilité de la machine et rendent possible la tenue d’un horrible constat la guillotine peut échouer. La fin des supplices, l’absence de souffrances et la froideur de l’exécution, signe de la rigueur de la justice, volent en éclats dès lors que la décapitation ne se déroule pas comme prévue. L’échafaud devient alors le lieu d’une véritable scène d’horreur dont il est difficile de dépasser l’abominable réalité sanglante. Loin de conclure sur la perfection technologique de la violence impersonnelle85 », il serait plus opportun de voir dans la guillotine une imperfection technologique de la violence impersonnelle ». 86 La dernière décapitation exécution publique est celle d’Eugène Weidmann, exécuté le 17 juin 1939, à ... 40Conséquence de ces ratés, la guillotine entre progressivement dans certaines villes dans un processus de relégation, loin des regards publics. À Toulouse, en février 1794, le choix de la nouvelle place des exécutions est révélateur la place de la Révolution est située au nord de la cité, près des portes, là où la visibilité de la machine est moindre. Ce mouvement de relégation progressive de la guillotine de l’espace public se poursuit tout au long des xixe et xxe siècles, triomphant en 1939 avec la suppression du caractère public de la peine capitale86. Ces ratés, à Toulouse du moins, révèlent l’écart entre une volonté visant à limiter la visibilité de la peine de mort et les discours qui continuent d’en vanter l’aspect édifiant comment justifier l’efficacité de la peine de mort si celle-ci est cachée ? La gêne autour de la guillotine surpasse donc, dans l’esprit des révolutionnaires toulousains, les discours qui défendent la fonction pédagogique de la peine de mort. 41La réalité toulousaine est celle d’une machine qui semble y être peu ou mal acceptée. Les autorités n’ont de cesse d’en limiter la visibilité, au-delà même des exécutions ratées, ce qui ne manque pas de créer quelques tensions avec les représentants en mission. À Toulouse, le représentant Pierre-Arnaud Dartigoeyte souhaite maintenir la guillotine dressée en permanence durant l’exercice du tribunal révolutionnaire. La Société populaire s’y oppose. C’est elle qui, la première, initie le mouvement de déplacement de la guillotine en février 1794. Faut-il y voir deux sensibilités différentes face à la machine, l’une éprouvée par le représentant Dartigoeyte et qui fait de la guillotine un symbole de la lutte des révolutionnaires contre leurs adversaires, l’autre par des autorités locales plus modérées et avant tout soucieuses de conserver l’ordre public ? Peut-être. Il faut aussi souligner que Dartigoeyte et la société populaire sont en lutte afin d’avoir la main sur le processus d’épuration des différentes autorités locales, une lutte dans laquelle il est donc possible de réinscrire leur divergence de points de vue à propos de la guillotine. La maintenir dressée ou non reviendrait à entériner la primauté de l’un ou de l’autre dans la direction de la Révolution dans le Midi toulousain. La guillotine permettrait dans cette perspective de lire, partiellement certes, les rapports de forces et la concurrence entre les différents acteurs révolutionnaires. 87 C’est notamment le cas de Daniel Arasse dans La guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Paris, Fl ... 88 Rapport du 28 ventôse an II 18 mars 1794 de Pourvoyeur » dans Pierre CARON, Paris pendant la Te ... 89 Paire de boucles d’oreilles à pendeloque composée d’un bonnet phrygien à cocarde et d’une guillotin ... 90 Rapport du 26 ventôse an II 16 mars 1794 de Bacon » dans Pierre Caron, Paris pendant la Terreur ... 42Les études sur la guillotine révolutionnaire sont parfois demeurées prisonnières des exécutions parisiennes87 qui, dans l’ensemble, se sont bien déroulées. La guillotine, à Paris, est en effet largement inscrite positivement dans les mentalités révolutionnaires, au moins jusqu’à l’été 1794. La place de la Révolution est un véritable espace social les citoyens et citoyennes y discutent, les exécutions de certaines figures majeures de la Révolution, ainsi Hébert, attirent une foule très importante88, les enfants jouent sur l’échafaud, des petites guillotines à roulettes ou des boucles d’oreilles en forme de guillotine sont vendues89. Des prières adressées à Sainte Guillotine » sont récitées90, sans que l’on ne puisse exclure a priori que cette expression soit humoristique et parodique. La guillotine est donc, et aussi, un symbole positif celui de la Révolution à l’œuvre qui terrasse ses ennemis et qui a débarrassé la France du tyran » Louis XVI. 91 AD de l’Aveyron, 1 L 1095. Les archives de l’Aveyron conservent en effet un compte d’ouvrage établi ... 43Cependant, si la guillotine est initialement investie comme un symbole révolutionnaire positif, particulièrement chez les sans culottes, l’augmentation du nombre d’exécutions, notamment à partir du printemps 1794, et une répression qui touche de plus en plus les cadres du mouvement sans-culotte participent d’un rejet progressif de celle-ci. En effet, la réalité du spectacle de la guillotine est sanglante. Le sang, abondamment répandu lors de la coupe de la tête, ne manque pas de tacher les montants de la guillotine, bien que peints en rouge91. Le Moniteur universel, dans son édition du 23 janvier 1794, rapporte une anecdote à ce propos. Alors que les députés, le 21 janvier 1794, se rendent sur la place de la Révolution, à l’invitation de la Société des Jacobins, pour célébrer l’anniversaire de la mort de Louis XVI, une charrette conduisant quatre condamnés à l’échafaud passe près d’eux. Lors de leur exécution, plusieurs députés, dont Bourdon de l’Oise, sont aspergés du sang des condamnés. Les conventionnels semblent émus ou choqués par ce spectacle, au point que Bourdon de l’Oise, le lendemain, à la tribune de la Convention, dans une rhétorique qui accorde une place majeure à l’émotion, demande à ce que ses membres ne se rendent plus à l’avenir sur cette place quand les exécutions ont lieu 92 Moniteur du 4 pluviôse an II, p. 499. Il n’est personne qui n’ait ressenti la plus vive allégresse hier, en sortant de la salle pour aller célébrer l’anniversaire de la mort du tyran ; mais il ne faut pas que la Convention souffre les horreurs qu’on y a mêlées. Une société populaire, célèbre par les services que son patriotisme a rendus à la liberté, nous consolait un moment auparavant en présentant à notre barre des malheureux acquittés par le tribunal révolutionnaire ; nous prenions part à sa joie, nous nous félicitions de voir des innocens échappés à la peine due aux seuls coupables ; pourquoi donc quatre malheureux ont-ils été amenés en même tems que nous sur la place de la Révolution, pour nous souiller de leur sang ? […] Ne souffrez pas qu’on puisse dire chez l’étranger que la Convention est allée se repaître du supplice de quatre condamnés. Qu’allions-nous faire là ? Nous allions célébrer la mort d’un roi, le châtiment d’un mangeur d’hommes ; mais nous ne voulions pas souiller nos regards d’un aussi dégoûtant et hideux spectacle. Je demande que la Convention, instruite par ce qui s’est passé hier, n’aille jamais à l’avenir à des fêtes qu’alors qu’elle en aura ordonné la marche et la police […]92. 93 Le liquide céphalo-rachidien est également expulsé sous la forme d’un jet blanc, plus court et plus ... 94 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 154. 95 Guillaume Mazeau, Émotions politiques… », art. cité, p. 139. 96 Jean-Clément Martin, Les échos de la Terreur. Vérités d’un mensonge d’État. 1794-2001, Paris, Belin ... 97 Voir supra. Moniteur du 4 pluviôse an II, p. 499. 44Lors de la décapitation, le sang est en effet éjecté avec violence, car la tête est l’une des zones du corps parmi les plus irriguées. La lame de la guillotine vient sectionner les deux carotides externes et les deux internes, permettant ainsi la libération du sang en deux jets93. Ceux-ci peuvent, du fait de l’instantanéité de la coupe, atteindre les deux mètres de distance. L’effet de sidération est tel que la projection de sang ne dure pas longtemps, vraisemblablement moins d’une minute, mais demeure violente. Après plusieurs exécutions, le sang forme des flaques au pied de l’échafaud et, car l’acmé répressif se situe en été, a un aspect poisseux et une odeur forte94. Sans nourrir un quelconque attrait pour cette question, il nous parait important de souligner ces aspects afin d’appréhender les réalités concrètes d’une décapitation. Si la dimension sanglante de la décapitation est généralement admise, elle n’est que peu véritablement étudiée par les historiens et historiennes. Or, celle-ci nous parait déterminante dans l’analyse des effets produits par la guillotine sur ses contemporains, comme dans son inscription dans les mentalités révolutionnaires et, au-delà, dans son assimilation à la Terreur. Aussi, à mesure que la répression s’accroit et qu’elle touche les chefs sans-culottes, la perception de la guillotine, d’abord positive chez les sans-culottes, se modifie peu à peu. Signe révélateur, la guillotine quitte la place de la Révolution pour celle de la Bastille, où elle ne reste que quelques jours, avant d’être installée place du Trône-Renversé, quittant le centre de Paris pour un espace plus périphérique95. Jean-Clément Martin mentionne ainsi une nausée de la guillotine96 » dans les derniers mois de l’exercice du tribunal révolutionnaire. Ce rejet du spectacle de l’exécution est également perceptible dans l’intervention de Bourdon de l’Oise du 22 janvier 179497. 45Loin de nous, dans cet article, l’idée de ne réserver le rejet de la guillotine qu’à l’espace toulousain. Au contraire, nous souhaitons souligner que cet espace, du fait de sa distance avec les grands événements parisiens, permet de révéler plus aisément l’embarras qui existe autour de la guillotine, une gêne qui y apparait de façon plus saillante qu’à Paris, où sa réalité manifeste est parfois minorée par le fort investissement révolutionnaire qu’elle connait en 1793, une gêne qui apparait de façon aigue à l’occasion d’une exécution ratée. Aussi, le passage par l’échelle locale et par le récit d’une exécution ratée permettrait de mettre en lumière certaines réalités qui ne demanderaient, ensuite, qu’à être infirmées ou confirmées à une autre échelle. 98 Sur la Terreur comme réalité construite a posteriori par les thermidoriens voir Michel Biard et Mar ... 99 Il est ici possible de faire référence à la célèbre gravure thermidorienne, Les formes acerbes, gri ... 100 Les tribunaux militaires envoient les condamnés à mort devant le peloton d’exécution. Cependant, da ... 46Ce faisant, l’assimilation de la guillotine à la Terreur » à partir de Thermidor trouve là une explication. En effet, l’existence d’une gêne autour de la machine à décapiter avant le 9 Thermidor, renforcée par une augmentation du nombre de décapitations, permet de comprendre la facilité avec laquelle la guillotine, dans le discours thermidorien, est devenue le symbole de la Terreur » et de la tyrannie sanglante de Robespierre98. Si les accusations de buveurs de sang » ou de tigre altéré de sang » existent avant Thermidor et sont employées par les montagnards eux-mêmes, elles demeurent, à partir de cette date, durablement assimilées aux terroristes99. Peut-être la dimension sanglante d’une décapitation devenue modalité d’exécution des criminels condamnés par une juridiction non-militaire100 a-t-elle facilité et participé de l’association durable entre les buveurs de sang » et ceux que la réaction thermidorienne édifie en terroristes ? Conclusion 47Étudier la guillotine constitue un prisme pour aborder les mentalités humanistes des législateurs de 1791, mais aussi pour souligner l’embarras, la gêne, en somme la sensibilité, notamment à l’échelle locale, qui existent face à une peine de mort sanglante et qui déroge aux idéaux qui avaient présidé à sa création ; embarras et gêne qui apparaissent de façon saillante lors des ratés des exécutions. La guillotine permet donc d’interroger certaines de nos idées reçues, d’en déconstruire quelques aspects, celui de sa perfection, pour faire émerger une esquisse de tableau des mentalités révolutionnaires. La guillotine est, dès avant Thermidor, l’objet de craintes et de peurs qui s’enracinent dans son caractère imparfait et dans l’augmentation du nombre des exécutions qui, de façon concrète, accroit sa visibilité, provoquant chez certains un rejet de la machine, sans que cela ne soit contradictoire avec sa force symbolique positive et son inscription dans l’horizon mental révolutionnaire. Si la guillotine toulousaine semble être négativement appréhendée, celle parisienne apparait, elle, plus nuancée, entre symbole de la Révolution et objet de dégoût. Cela permet de comprendre que son rejet thermidorien et son assimilation à la tyrannie de Robespierre » aient pu aussi bien fonctionner. 48La force symbolique de la guillotine comme son importance dans les mentalités avaient déjà été notées, brièvement, par Michel Vovelle, en 1989, à qui cet article entend rendre hommage. Concluons donc avec lui 101 Michel Vovelle, L’instrument de la Terreur » dans Valérie Rousseau-Lagarde et Daniel Arasse, La g ... Égide de la République qui, pour faire front, doit terroriser ses ennemis, instrument de la passion et mort du fils de Saint-Louis ou symbole infamant de la tyrannie de Robespierre » propre à déconsidérer à travers les siècles le souvenir de la Révolution de l’An II, on comprend que la guillotine, chargée de ces connecteurs contradictoires, ait échappé à l’intention initiale de ses promoteurs d’en faire le supplice indolore des temps nouveaux […]. Elle a concentré, dans le temps court d’une Révolution, une charge émotive qui en a fait durablement, à travers les avatars du xixe siècle, l’un des symboles les plus redoutables des nouveaux visages de la mort, à l’aube de notre temps101. Haut de page Notes 1 Journée d’études Mémoire et héritages de Michel Vovelle, qu’en disent les doctorants en 2019 ? », organisée par l’IHRF-IHMC et la Société des Études Robespierristes, Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 16 novembre 2019. Cette journée fait suite à une première journée Hommages à Michel Vovelle » organisée à Toulouse, le 29 mars 2019. 2 Michel Vovelle, La Mentalité révolutionnaire. Société et mentalités sous la Révolution française, Paris, Éd. sociales, 1985. 3 Lucien Febvre, Comment reconstituer la vie mentale d’autrefois ? », dans Combats pour l’histoire, Paris, Armand Colin, 1992 1941 ; Marc Bloch, Les Rois thaumaturges, Paris, Gallimard, 1983 1924. 4 Martine Charageat et Mathieu Soula, Le corps comme lieu pénal », dans Martine Charageat, Mathieu Soula et Bernard Ribémont dir., Corps en peines. Manipulations et usages des corps dans la pratique pénale depuis le Moyen Âge, Paris, Classiques Garnier, 2019, p. 12. 5 Michel Vovelle, Mourir autrefois, Paris, Gallimard, 1974 ; Id., La Mort et l’Occident de 1300 à nos jours, Paris, Gallimard, 1983 ; Michel Vovelle et Régis Bertrand dir., La Ville des morts, essai sur l’imaginaire collectif urbain d’après les cimetières provençaux, 1800-1980, Marseille, Éditions du CNRS, 1983. 6 Daniel Arasse, La guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Paris, Flammarion, 1987 ; Anne Carol, Physiologie de la Veuve. Une histoire médicale de la guillotine, Seyssel, Champ Vallon, 2012 ; Id., Devant l’échafaud du spectacle de la douleur au théâtre pédagogique », dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello dir., Histoire des émotions, vol. 2. Des Lumières à la fin du xixe siècle, Paris, Seuil, 2016, p. 145-168 ; Regina Janes, Beheadings », Representations, no 35, University of California Press, 1994, p. 21-51 ; Valérie Rousseau-Lagarde et Daniel Arasse, La guillotine dans la Révolution. Catalogue de l’exposition du musée du château de Vizille, Vizille, 1987 ; Michel Vovelle, La guillotine symbole », Le Monde, 17 avril 1987, p. 14. 7 Art. 1er des Décrets des 27, 28 et 29 germinal an II concernant la répression des conspirateurs, l’éloignement des ex-nobles, des étrangers, et la police générale de la République », dans Collection générale des décrets rendus par l’Assemblée nationale, Paris, Baudouin, germinal an II. 8 Soulignons, à ce propos, qu’Anne Carol, dans Physiologie de la Veuve…, op. cit., fait le choix de prendre plusieurs exemples locaux Bordeaux, Lyon, le Var qui proposent une vision plus large des réalités de la guillotine en province. 9 Jacques Revel dir., Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard et Le Seuil, 1996. 10 Archives parlementaires, t. 9, p. 393, disponible sur le portail Persée à l’adresse 11 Anne Simonin, La révolution par l’exemple l’abolition du préjugé des peines infamantes », dans Chantal Aboucaya et Renée Martinage dir., Le Code pénal. Les métamorphoses d’un modèle 1810-2010, Lille, Centre d’Histoire Judiciaire, 2012, p. 291-311. 12 Comme Pierre-François Muyart de Mouglans, auteur du Mémoire sur les peines infamantes. À son propos, voir Anne Simonin, La révolution par l’exemple… », art. cité, p. 291. 13 Ibid., p. 293. 14 Décret du 21 janvier 1790 sur la punition des coupables, & sur les suites de cette punition », dans Collection générale des décrets rendus par l’Assemblée nationale, Paris, Baudouin, 1790. 15 Loi. Code Pénal, Paris, imp. de Prault, 1791, p. 2. 16 Ibid., p. 1 17 Anne Carol, Devant l’échafaud… », art. cité, p. 146. 18 Guillaume Mazeau, Émotions politiques la Révolution française », dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello dir., Histoire des émotions…, op. cit., p. 100. 19 Cesare Beccaria, Des délits et des peines, Philadelphie, 1766 1764, p. 60. 20 Diane Bernard et Damien Scalia, Retour à la proportion selon Beccaria dans le droit pénal international », dans Michel Porret et Élisabeth Salvi dir., Cesare Beccaria la controverse pénale xviiie-xxie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 313. 21 Né en Clermont-Ferrand le 30 novembre 1625, Jean Domat est l’un des jurisconsultes français majeurs du xviie siècle. Appartenant au mouvement rationaliste, c’est-à-dire posant la raison comme devant être le seul moteur des actions humaines, Domat tente d’en appliquer les principes pour réformer le droit en l’harmonisant et en l’organisant. Janséniste et proche de Pascal, il s’intéresse tout particulièrement à l’importance de la jurisprudence. Sa volonté de codifier les lois existantes du royaume trouve un aboutissement dans son ouvrage Les lois civiles dans leur ordre naturel, paru en 1689. Il décède le 14 mars 1696. 22 Yves Cartuvyels, D’où vient le code pénal ? Une approche généalogique des premiers codes pénaux absolutistes au xviiie siècle, Montréal, les Presses de l’Université de Montréal, 1996, p. 93. Précisons que Jean Domat exclut les Juifs de cette égalité. 23 À ceci près que les Parlements, en 1788, refusent d’enregistrer la réforme comportant l’abolition de la question préalable. Cette dernière sera abolie dans l’article 34 du décret des 8 et 9 octobre 1789. Voir, à ce propos, Série des Articles sur la procédure criminelle », dans Collection générale des lois et décrets rendus par l’Assemblée nationale, Paris, Baudouin, 1789. 24 Le long drop, pendaison qui entraine une mort immédiate par arrachement des vertèbres, n’est mis au point qu’au xixe siècle, en Grande-Bretagne. 25 Rapport de Charles-Henri Sanson au ministre de la justice sur le mode de décapitation » cité in extenso dans Louis-François Du Bois, Recherches historiques et physiologiques sur la guillotine et détails sur Sanson, Paris, France, 1843, p. 31-32. 26 Ibid., p. 31 27 Décret du 20 mars 1792 qui fixe le mode de la décollation des condamnés à mort », dans Collection générale des décrets rendus par l’Assemblée nationale, Paris, Baudouin, 1792. 28 Ibid. 29 Ibid. 30 Le National Museum of Scotland en conserve un exemplaire 31 Décret du 20 mars 1792 qui fixe le mode de la décollation des condamnés à mort », dans Collection générale…, op. cit. 32 Antoine de Baecque, Les ridicules de l’homme nouveau. Un groupe de satiristes sous la Révolution », Mots. Les langages du politique, no 48, 1996, p. 20. 33 Les Actes des Apôtres, no 10, Paris, 1789, p. 13-14. 34 Ibid., p. 15-16. 35 Regina Janes, Beheadings », art. cité, p. 21. La citation originale, en anglais, est the technological perfection of impersonal violence ». 36 Décret du 10 mars 1793 portant établissement d’un tribunal criminel extraordinaire pour juger les conspirateurs », dans Collection générale des décrets rendus par l’Assemblée nationale, Paris, Baudouin, 1793. 37 Michel Biard, Missionnaires de la République les représentants du peuple en mission, 1793-1795, Paris, CTHS, 2002. 38 Ibid., p. 71 39 Sur la difficulté de distinguer les différents groupes révolutionnaires, voir, entre autres, Michel Biard et Marisa Linton, Terreur ! La Révolution française face à ses démons, Paris, Armand Colin, 2020, p. 117-121. Cette difficulté se retrouve à l’échelle locale car, du fait de la distance, les membres de la Société populaire n’ont pas toujours une vision claire des rapports de forces à l’œuvre à Paris. S’il est indéniable que la Société populaire de Toulouse constitue l’un des rouages majeurs de la Révolution à Toulouse et qu’elle est composée de militants proches des idées des Jacobins sur certains sujets, elle n’en demeure pas moins elle-même divisées sur d’autres. Aussi, il est difficile de la considérer comme a priori absolument jacobine ». 40 S’il y a accord, en novembre 1793, sur la possibilité pour le tribunal criminel d’adopter une procédure extraordinaire, cela ne doit pas masquer l’existence de tensions entre la Société populaire et les représentants en mission, particulièrement en 1794 avec Pierre-Arnaud Dartigoeyte, quand celui-ci, le 17 août 1794, met en état d’arrestation quatre membres de la Société populaire. Cette dernière, le 7 septembre 1794 défend publiquement ses membres arrêtés et accuse Dartigoeyte. Voir, à ce propos, Archives départementales AD par la suite de Haute-Garonne, L 4554+, séance du 21 fructidor an II 7 septembre 1794. 41 Pierre Paganel 1745-1826 est député du Lot-et-Garonne à la Convention nationale. 42 Joseph Cassanyes 1758-1843 est député des Pyrénées-Orientales à la Convention nationale. 43 AD de Haute-Garonne, 1 L 1042, pièce 69, fo 1. 44 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 99. 45 Décret du 17 septembre 1793 qui ordonne l’arrestation des personnes suspectes », dans Collection générale des lois et décrets rendus par l’Assemblée nationale, Paris, Baudouin, 1793. 46 Les prisons toulousaines comptent près d’un millier de suspects au plus fort de la répression. Voir, à ce propos, Jacques Godechot, La Révolution française dans le Midi toulousain, Toulouse, Privat, 1986, p. 189. 47 Ainsi, le 20 vendémiaire an II 11 octobre 1793, le tribunal criminel envoie L. Denis à la guillotine pour suspicion d’empoisonnement et de complicité avec les Espagnols. Ce boulanger a en effet été accusé d’avoir sciemment fabriqué du mauvais pain. Quoiqu’étrange, cette accusation fait sens dans un contexte où la crainte d’un siège et de la pénurie de nourriture rendent les autorités plus sensibles qu’à l’ordinaire aux questions alimentaires, liées ici à une possible trahison au profit des Espagnols. 48 Philippe Nelidoff, La municipalité de Toulouse pendant la Révolution française 1789-1795, thèse de droit sous la direction de Germain Sicard, Toulouse, Université Toulouse-I Capitole, 1990, p. 517. 49 Le 3 mars 1794, Jean-Joseph Virebent, puis, le 20 avril 1794, Garnault, tous deux membres de la municipalité de Toulouse, sont condamnés à mort et exécutés à Toulouse. Voir, à ce propos, AD de Haute-Garonne, 1 J 601, pièces 1 et 2, et 8 L 204 U 88. 50 Le 29 juin 1794, Marc Derrery, Delbèze, Loubet, Douziech, commandant de la garde nationale, Ruffat, Guillaume Toussaint-Sévène et Blaise Dariot, député suppléant de la Haute-Garonne, tous accusés de fédéralisme et liés à la municipalité, sont condamnés et exécutés à Paris. Voir, à ce propos, Philippe Nelidoff, La municipalité de Toulouse…, op. cit., p. 517. 51 Valérie Sottocasa, Mémoires affrontées. Protestants et catholiques face à la Révolution dans les montagnes du Languedoc, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004 ; et Claude Petit, Le recrutement de 300 000 hommes en Aveyron février-mars 1793 », dans Guerre et paix en Rouergue, XIe-xixe siècles. Actes du colloque de Millau octobre 1997, Millau, Société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron, 1994. 52 Ce soutien, par exemple dans le Gers et une partie du Tarn, se borne au fait de cacher les prêtres réfractaires. En Aveyron comme en Lozère, en revanche, ce soutien entraine une résistance forte de la part des populations, qui se renforce à l’occasion de la levée de 1793, pour donner naissance à des insurrections armées. Ces deux départements sont marqués par une résurgence des conflits confessionnels entre catholiques et protestants au prisme de l’engagement révolutionnaire. Voir, à ce propos, Valérie Sottocasa, Mémoires affrontées…, op. cit. 53 Les mois de pluviôse, ventôse et germinal an II de janvier à avril 1794 sont ainsi les plus meurtriers, avec vingt-cinq condamnations et exécutions – chiffre faible au regard de la répression qui se déploie à Paris, Lyon, Bordeaux ou dans l’Ouest, mais qui demeure élevée à l’échelle toulousaine –, avant une baisse drastique du nombre de condamnations à mort dans les premières décades de floréal trois exécutions. 54 Décret du 19 floréal an II 8 mai 1794 qui règle la compétence du tribunal révolutionnaire de Paris et des tribunaux criminels de la République », dans Collection générale des lois et décrets rendus par l’Assemblée nationale, Paris, Baudouin, 1794. 55 Ibid. 56 Germain Sicard, Le procès des parlementaires toulousains devant le tribunal révolutionnaire », dans Jean Poumarède et Jack Thomas dir., Les Parlements de Province, colloque international de Toulouse du 3 au 5 novembre 1994, Toulouse, Framespa, 1996, p. 580. 57 Pierre-Arnaud Dartigoeyte 1763-1812 est député des Landes à la Convention nationale entre 1792 et 1795. Entre août 1793 et septembre 1794, il est envoyé en tant que représentant en mission dans le département du Gers et de la Haute-Garonne. 58 AD de Haute-Garonne, 7 L 202 U 175. 59 Il s’agit de l’actuelle place du Capitole. La guillotine était alors située en face du Capitole, au nord-ouest de la place, entre les actuels deuxième et troisième bancs. 60 AD de Haute-Garonne, 1 J 601, pièces 1 et 2 ; 8 L 204 U 88, pièces 1 à 15. 61 Il s’agit d’Antoinette-Adrienne de Rabaudy, exécutée le 2 mars 1794. Voir, à son propos, Guillaume Debat, Antoinette-Adrienne de Rabaudy », dans Dictionnaire des Femmes de l’ancienne France [En ligne], Société Internationale pour l’Étude des Femmes de l’Ancien Régime, 2020 62 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 111 ; et Antoine Boulant, Le Tribunal révolutionnaire. Punir les ennemis du peuple, Paris, Perrin, 2018. Dans le cas lyonnais, les deux commissions, dites commission militaire et commission de justice populaire, qui précèdent la commission révolutionnaire, ont des taux d’acquittement plus faibles. 63 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 111. 64 Axel Duboul, Le tribunal révolutionnaire de Toulouse, 25 Nivôse-3 Floréal An II, 14 janvier-22 avril 1794, Toulouse, Privat, 1894, p. 87. 65 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, pièces 2, f° 1 et 2. 66 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, pièce 2, f° 4. 67 Ibid. 68 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, pièce 5, f° 1. 69 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, pièce 14, f° 1 et 2. 70 AD Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, pièce 14, f°1 et 2. 71 Axel Duboul, Le tribunal révolutionnaire de Toulouse…, op. cit., p. 89 72 Ibid., p. 90. 73 Ibid., p. 92. 74 Ibid., p. 91. 75 Ibid., p. 91. 76 Citée par Axel Duboul en appendice no 3 du Tribunal révolutionnaire de Toulouse…, op. cit., p. 157. 77 AD de Haute-Garonne, 1 J 601, pièce 2. 78 Voir, à ce propos, entre autres références, Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Paris, Presses universitaires de France, 1995 1895 et, plus récemment, Olivier Bosc, La foule criminelle. Politique et criminalité dans l’Europe du tournant du xixe siècle, Paris, Fayard, 2007. 79 Pascal Bastien, L’exécution publique à Paris au xviiie siècle. Une histoire des rituels judiciaires, Seyssel, Champ Vallon, 2006 ; Id., Une Histoire de la peine de mort. Bourreaux et supplices Paris, Londres, 1500-1800, Paris, Seuil, 2011 ; Hélène Menard, Maintenir l’ordre à Rome iie-ive siècles ap. Seyssel, Champ Vallon, 2004, p. 127. 80 Anne Carol, Physiologie de la Veuve…, op. cit., p. 57 81 Ibid. ; et Aurélien Vivie, Histoire de la Terreur à Bordeaux, Bordeaux, Féret et fils, 1877, p. 252. 82 Bibliothèque municipale de Toulouse, P 14226, L’Anti-Terroriste du 30 avril 1796, supplément, p. 2. 83 Anne Carol, Physiologie de la Veuve…, op. cit., p. 56. 84 Rapport sur la machine à décapiter, Guiraud, 5 juin 1792 » dans Revue rétrospective, Paris, Taschereau, 1835, p. 22-23. 85 Regina Janes, Beheadings », art. cité, p. 21. 86 La dernière décapitation exécution publique est celle d’Eugène Weidmann, exécuté le 17 juin 1939, à Versailles, pour meurtre. 87 C’est notamment le cas de Daniel Arasse dans La guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Paris, Flammarion, 1987. Cet ouvrage demeure néanmoins l’une des références incontournables sur cette question. 88 Rapport du 28 ventôse an II 18 mars 1794 de Pourvoyeur » dans Pierre CARON, Paris pendant la Terreur. Rapports des agents secrets du ministère de l’Intérieur, Paris, Librairie C. Klincksieck, 1959, p. 399. 89 Paire de boucles d’oreilles à pendeloque composée d’un bonnet phrygien à cocarde et d’une guillotine à laquelle est accrochée une tête couronnée, or et métal doré, Musée Carnavalet, Paris, réserves. 90 Rapport du 26 ventôse an II 16 mars 1794 de Bacon » dans Pierre Caron, Paris pendant la Terreur…, op. cit., p. 336. 91 AD de l’Aveyron, 1 L 1095. Les archives de l’Aveyron conservent en effet un compte d’ouvrage établi par des charpentiers de Rodez quant au montage de la guillotine en 1792. Ce compte d’ouvrage atteste d’une somme allouée à une peinture rouge destinée à recouvrir les montants de la guillotine. 92 Moniteur du 4 pluviôse an II, p. 499. 93 Le liquide céphalo-rachidien est également expulsé sous la forme d’un jet blanc, plus court et plus bref, lors de la coupe de la tête. 94 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 154. 95 Guillaume Mazeau, Émotions politiques… », art. cité, p. 139. 96 Jean-Clément Martin, Les échos de la Terreur. Vérités d’un mensonge d’État. 1794-2001, Paris, Belin, 2018, p. 88. 97 Voir supra. Moniteur du 4 pluviôse an II, p. 499. 98 Sur la Terreur comme réalité construite a posteriori par les thermidoriens voir Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 13-30 ; et Jean-Clément Martin, Les échos de la Terreur…, op. cit. 99 Il est ici possible de faire référence à la célèbre gravure thermidorienne, Les formes acerbes, grimant le représentant Le Bon lors de sa mission dans le Nord en monstre buvant, installé sur un de monceau de corps guillotinés et entouré de tigres, un sang fumant fourni par deux guillotines. La gravure est consultable sur le site de la BnF Pour une analyse de l’image, voir Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 187. 100 Les tribunaux militaires envoient les condamnés à mort devant le peloton d’exécution. Cependant, dans plusieurs cas, les commissions militaires utilisent également la guillotine. C’est le cas notamment à Lyon mais aussi dans l’Ouest. 101 Michel Vovelle, L’instrument de la Terreur » dans Valérie Rousseau-Lagarde et Daniel Arasse, La guillotine dans la Révolution…, op. cit., p. de page Pour citer cet article Référence électronique Guillaume Debat, La guillotine, symbole révolutionnaire ambivalent – Toulouse, janvier 1794 », La Révolution française [En ligne], 18 2020, mis en ligne le 06 juillet 2020, consulté le 23 août 2022. URL ; DOI de page Edité par Flammarion, France, 1987 Anciens ou d'occasion Etat Bien Couverture souple Détails bibliographiques Titre La guillotine et l'imaginaire de la terreur Éditeur Flammarion, France Date d'édition 1987 Reliure Encuadernación de tapa blanda Illustrateur Roman Etat du livre Bien Description de la librairie Librería generalista especializada en rescatar libros condenados a ser destruidos en las múltiples formas que existen para ese fin. Visitez la page d’accueil du vendeur Conditions de vente El servicio CONTRAREEMBOLSO no esta operativo a nivel internacional. Rogamos a todos aquellos que procedan a la compra de alguno de los libros de nuestro catálogo que indiquen correctamente su nombre y dirección para evitar retrasos y/o devoluciones en las entregas. También les agradeceríamos que lo hicieran respetando las reglas ortográficas del idioma que utilicen, inclusive las mayúsculas y acentuación de sus nombres y apellidos. Ante cualquier duda sobre precios, gastos y envíos no duden en ... Pour plus d'information Conditions de livraison Los envíos por mensajería seran a través de Tour Line y/o MRW y tendrán el coste indicado en el cuadro de gastos de envío. Los servicios internacionales, las Baleares y las Canarias se enviaran por Correos. El servicio contrareembolso tendrá un coste adicional de 3 euros. Afficher le catalogue du vendeur Modes de paiement acceptés par le vendeur Accueil Découvrez toutes nos études Thermidor et l'imaginaire de la Terreur Les Formes acerbes. Acte de Justice du 9 au 10 thermidor Le triomphe de la guillotine. Les Formes acerbes. Date de création 1795 Date représentée 1793-1794 H. 33,6 cm L. 37,8 cm eau-forte. D'après un dessin de Louis LAFITTE 1770-1828 Acte de Justice du 9 au 10 thermidor Date de création 1794 Date représentée 27 juillet 1794 Série Caricatures révolutionnaires, 1794-1802. Eau-forte, aquatinte Le triomphe de la guillotine. Huile sur papier, marouflé. Esquisse pour le tableau du musée de l'Ermitage . Date de publication Janvier 2009 Auteur Mehdi KORCHANE Après la mort du roi le 21 janvier 1793, la jeune République française a dû faire face à de multiples offensives royalistes et contre-révolutionnaires, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Pour établir l’unité politique nationale indispensable à la préservation des acquis de la Révolution et à sa victoire contre les coalisés, la Convention a instauré une politique de contrôle du territoire, assortie de mesures d’exception, répressives et punitives. Durant les seize mois que dura la Terreur – de la création du Tribunal révolutionnaire 10 mars 1793 à la chute de Robespierre 27 juillet 1794 –, la peur est devenue un moyen de gouvernement ; la réduction des libertés individuelles et la violence ont constitué le régime ordinaire des Français. Tout au long de cette période, les citoyens ont gardé le silence et retenu leur souffle. Ils ont tu la terreur » que la menace des visites domiciliaires, des dénonciations abusives et l’ombre de la guillotine faisaient peser sur les familles. La chute de Robespierre et de ses fidèles, le 9 thermidor an II, leur rend la parole. Les procès des chevaliers de la guillotine » qui se succèdent en série sont le théâtre expiatoire où se représente le spectacle des exactions commises par les terroristes et leurs agents. Mais la Terreur sécrète aussi un imaginaire fantasmatique que les contemporains peinent à dissocier de la réalité. La mémoire collective, parasitée par les rumeurs et les histoires terrifiantes, accroît l’horreur du règne de Robespierre au point de créer un immense poème dantesque qui, de cercle en cercle, fit redescendre la France dans ces enfers encore mal connus de ceux-là même [sic] qui les avaient traversés. On revit, on parcourut ces lugubres régions, ce grand désert de terreur, un monde de ruines, de spectres » Jules Michelet, Histoire du XIXe siècle, 1874. Cette catharsis a généré une littérature et une imagerie infernales hantées par des acteurs politiques devenus bourreaux, tigres et vampires. La gravure exécutée par Normand d’après un dessin de Louis Lafitte offre, sur un mode allégorique, l’image sans doute la plus sophistiquée du mythe du jacobin cannibale. Elle a été commanditée par un magistrat de Dunkerque dénommé Poirier, pour se venger de Joseph Le Bon et attiser le sentiment d’horreur qu’ont suscité les crimes que ce Conventionnel aurait ordonnés lors de sa mission dans le Pas-de-Calais sous la Terreur. Comme l’indique la légende, celui-ci est posté entre les deux guillotines d’Arras et de Cambray [Cambrai], tenant deux calices dans lesquels il reçoit d’une main et s’abreuve de l’autre du sang de ses nombreuses victimes ». À sa gauche, deux furies dignes compagnes de ce cannibale animent des animaux moins féroces qu’elles, à dévorer les restes des malheureuses qu’elles ne peuvent plus tourmenter ; de l’autre sont nombre de détenus de l’un et l’autre sexe, avancés sur le bord du précipice, tendant les mains au ciel, où ils aperçoivent la Convention Nationale, à qui la justice dévoile la vérité ». Le Bon s’était d’autant plus perdu aux yeux de l’opinion que la cruauté dont il fit preuve après la victoire républicaine de Fleurus, le 26 juin 1794, contrastait avec la modération qu’il avait démontrée au cours de sa carrière politique. Il est ainsi devenu, après le 9 Thermidor et avec Robespierre, le symbole d’un régime sanguinaire. Dénoncé à la Convention en juillet 1794, il fut défendu par Barère, qui concéda que l’action de l’inculpé avait pris des formes acerbes ». L’estampe ainsi intitulée fut publiée le 13 mai 1795, une semaine après la nomination d’une commission chargée d’examiner la conduite passée de Le Bon. Traduit devant le tribunal criminel de la Somme le 17 juillet de la même année, il fut condamné à mort et exécuté le 16 octobre à Amiens. La gravure Les Formes acerbes se distingue par sa grande qualité d’exécution, par une composition rigoureuse, une gestuelle expressive et des anatomies rondement dessinées. L’Acte de Justice du 9 au 10 Thermidor gravé par Viller n’est pas moins élaboré, mais son efficacité tient à des effets opposés à ceux de Lafitte. Deux gorgones au corps disgracieux s’acheminent vers un autel en forme d’ossuaire enflammé ; elles ont saisi des têtes coupées, parmi celles qu’un démon déverse dans leur antre infernal ce sont celles des tyrans », précipités dans les enfers par la même justice sommaire qu’ils ont instaurée. Le dessin ignoble » et irrégulier des figures vise à susciter l’horreur, de même que le lieu, rendu chaotique par la fumée, les ténèbres et les fosses emplies de cadavres. L’exécution rapide de la gravure est propre à une production d’images populaires destinées aux étals des marchands. Le Triomphe de la guillotine peint d’après un tableau attribué à Nicolas Antoine Taunay et conservé au musée de l’Ermitage inscrit les personnages, institutions et exactions de la Terreur dans un lieu apocalyptique. En haut de la composition une horde d’artistes lyriques et de poètes jacobins, conduite par David il tient une palette et un chevalet, traverse un nuage de fumée au milieu des éclairs. À mi-hauteur à droite siège le Tribunal révolutionnaire. Une montagne surmontée d’une guillotine se détachant sur un fond embrasé lui fait face. En bas, un cortège envahit l’espace par la droite Robespierre et Saint-Just y sont portés en triomphe, précédés de Marat, traîné dans sa baignoire. Des scènes de tuerie et de cannibalisme se déploient au premier plan. Cette débauche effraie jusqu’aux démons de l’Enfer qui s’enfuient à gauche, abandonnant leurs abîmes enflammés à ces envahisseurs. Le peintre exploite un langage iconique très circonstancié et un imaginaire démoniaque qui renvoient tous deux à l’art de Jérôme Bosch. La scénographie accidentée rappelle les fantasmagories et autres spectacles pyrotechniques produits sous la Révolution. Enfin, ce Triomphe de mascarade est dépeint sur un mode satirique qui tient à la fois du pamphlet et du théâtre populaire il peut être rapproché de pièces telles que Les Jacobins en enfer d’Hector Chaussier, jouée au théâtre des Variétés amusantes le 2 germinal an III 22 mars 1795. L’imaginaire terrifiant et le fantasme surgissent dès lors que la déraison semble imprimer son cours à l’histoire. Incapable de conceptualiser la Révolution, le philosophe et parlementaire anglais Edmund Burke n’avait pas trouvé d’autres images que celles du roman noir pour représenter le cataclysme politique qui ébranlait la monarchie française en 1790 De la tombe de ce cadavre de la monarchie, nous avons vu s’élever un immense, épouvantable spectre, avec un appareil mille fois plus terrible que ce qui jamais effraya l’imagination ou subjugua le courage de l’homme. Insensible au remords, inaccessible à la crainte, ce fantôme hideux s’avance, en dévorant l’espace, droit au but qu’il s’est fixé » Réflexions sur la Révolution de France, 1790. Au lendemain du 9 Thermidor, il ne fait aucun doute que la fiction a rattrapé la réalité ; les clichés du roman gothique – né outre-Manche et promis à un grand succès en France – s’enracinent d’autant plus dans la culture thermidorienne que son imaginaire macabre a fait une irruption violente dans la vie publique au cours de la Terreur. Au travers de la satire, du récit terrifiant ou compassionnel, c’est une histoire révisée de la Révolution que réécrit la mémoire collective, encore sous l’emprise d’une émotivité à fleur de peau. Mais l’irrationnel qui la caractérise n’est cependant pas nécessairement le signe d’un retournement de l’opinion et d’une hostilité croissante à l’égard de la Révolution, il s’explique plutôt par l’incapacité à trouver du sens à la Terreur. Ce problème sera finalement résolu en assimilant ce tragique intermède à une contre-révolution. Ça a été l’exercice d’une tyrannie farouche et sanglante, et non un abus ou un accès de la liberté », résumera Roederer en 1799. Daniel ARASSE, La Guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Paris, Flammarion, 1987. Bronislaw BACZKO, Comment sortir de la Terreur. Thermidor et la Révolution, Paris, Gallimard, 1989. Antoine de BAECQUE, La Gloire et l’effroi. Sept morts sous la Terreur, Paris, Grasset, 1997. Mehdi KORCHANE, Thermidor et l'imaginaire de la Terreur », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/08/2022. URL Albums liés Découvrez nos études

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